Mes premiers pas dans la création de jeux pédagogiques

Auteur : François Freund


Dans cette première chronique, je vous propose de revivre le cheminement et les enseignements qui ont guidé mes premiers pas dans la création de jeux pédagogiques. Il ne s’agit pas de la « vérité » en la matière, mais de mon cheminement personnel en interaction avec Raphaël Hoch, le copilote de cette fabuleuse aventure.


Les promesses du jeu pédagogique

A l’ère du numérique et des start-up, j’avoue avoir pris beaucoup de plaisir à expliquer que la technologie de pointe que nous développions ne contenait aucune ligne de code. Nous avions décidé de miser sur le monde réel en créant des jeux de société pédagogiques centrés sur le développement des compétences relationnelles.

Raphaël et moi sommes tous deux passionnés par les jeux de société et par les relations humaines. Nous partageons également la conviction que le jeu peut être un formidable levier d’apprentissage pour aborder l’ensemble des sujets qui gravitent autour de la relation humaine. En effet, quoi de plus simple qu’un jeu de société pour créer une expérience relationnelle ? Et quoi de plus efficace qu’une expérience impactante pour déclencher des apprentissages ?

Nous étions tous deux séduits par la possibilité d’intégrer des expériences concrètes et ciblées au cœur du processus d’apprentissage, lors de séminaires et à l’université. Nous entrevoyions également la possibilité de mobiliser un levier d’apprentissage très puissant : le droit à l’erreur.

Un sujet inspirant

Pour la création du premier jeu, le choix du management est venu naturellement. Je ressentais le besoin de partager des expériences que j’avais vécues en tant que manager et qui avaient été à l’origine de véritables déclics professionnels. Grâce au jeu, d’autres que moi pourraient vivre ces expériences et progresser à leur tour.

J’avais également la chance de pouvoir m’appuyer sur l’expertise de Raphaël Hoch qui forment de nombreux managers aux différents niveaux des organisations et sur le soutien et le regard aiguisé de Baptiste Rappin, enseignant-chercheur à l’IAE de Metz et responsable du Master 2 RH que je venais de valider.

La porte d’entrée

Une des particularités de cette création, c’est qu’avant même de démarrer, je savais déjà exactement autour de quels ingrédients je souhaitais construire l’expérience du jeu.

Je projetais de mettre en scène la distance qui sépare la pensée du manager de la réalisation de son équipe. Vous trouvez cela anodin ? Pensez à toute l’énergie que dépensent les managers et plus généralement les organisations pour réduire cette distance afin d’obtenir un peu plus de contrôle sur la réalisation de leurs équipes. Mesurez également la difficulté que les managers rencontrent lorsqu’ils apprennent à déléguer. Et à contrario, imaginez toutes les opportunités qui s’ouvrent lorsque vous identifiez cette distance comme un levier d’innovation.

J’ambitionnais ainsi de mettre en scène des situations de management au cours desquelles les joueurs pourraient expérimenter différentes postures managériales et en mesurer directement les impacts sur la performance et sur l’état d’esprit de l’équipe.
Ce que je ne savais pas encore, c’est la forme que prendrait ce jeu, ni le nombre de prototypes que je devrais créer et tester.

Des jeux… autrement

Les tests des nombreuses versions du prototype m’ont permis de m’affranchir progressivement de biais qui provenaient de ma culture ludique ancrée dans le jeu loisir. Cela m’a permis de recentrer mon attention sur l’atteinte des enjeux pédagogiques.
Ce processus m’a conduit à créer un système de règles des plus minimalistes , dont l’accès serait facilité par du matériel à la fois attractif et ergonomique.

Les participants qui m’ont réellement aidé à en prendre conscience sont les non-joueurs, qui n’aiment tout simplement pas jouer, mais qui font tout de même partie du public cible. L’expérience et les enseignements que renferme le jeu doivent être accessibles à toutes et à tous, même à celles et ceux qui n’aiment pas les jeux.

Pour des non-joueurs, chaque règle et chaque élément matériel nécessite un temps d’appropriation qui peut être à l’origine de difficultés. J’ai donc retiré du jeu absolument tout ce qui n’était pas indispensable pour générer l’expérience de jeu et atteindre les enjeux pédagogiques. Dès lors, les éléments du jeu activent des mécanismes directement liés à aux enjeux pédagogiques et l’effort que peut représenter leur appropriation nourrit le processus d’apprentissage.

Quelques graines plantées lors de cette première expérience

La création de ce premier jeu et les réflexions qui l’ont accompagnée impactent encore très largement mes créations actuelles.
Je garde une fascination toute particulière pour le jeu comme système ouvert, que chacun enrichit de ses propres références, et au sein duquel les joueurs vont vivre les expériences qui le feront progresser.

Je me suis également rendu compte de l’intérêt de visualiser très précisément les différentes expériences émotionnelles que les participants peuvent être amenés à vivre dans les situations réelles et d’être capable de les retranscrire de façon précise dans le jeu. Dans le cadre du processus créatif, la précision de l’expérience émotionnelle permet en quelque sorte de valider le modèle sur lequel le jeu a été construit, ainsi que les mécanismes qui ont été imaginés pour le mettre en mouvement. Du point de vue de l’apprentissage, cette justesse permet de créer un pont entre le jeu et la réalité qui sera très naturellement emprunté par les joueurs lorsqu’ils chercheront à transposer les pratiques expérimentées dans le jeu.